Musée pour rien

Bulletin d’acédie, ce qui serait sans rapport à la toujours juteuse justification des expositions d’art contemporain s’agrippant à l’ennui de Marcel Duchamp ?
AU CAPC : les déchets sont sacrés et les rebuts aux sens basculés trônent étalés en jeu de piste et se confrontent dans un jeu de binôme conceptuel –
Tous s’éclatent aux galeries Lainé !
Plus en forme que les Galeries Lafayette, où tout cela vrille et pétille, le soir de vernissage, la file formée au dehors se presse, puis se déchausse, se ‘’chaussette’’ pour défiler en procession autour des pièces d’expositions étalées et disposées comme autant de puzzle de sens sur cette super moquette crème, éblouissant les arches de l’entrepôt, redevenu un grand magasin.
Moquette blanche dans une nef nouvelle chapelle rehaussée par cet étalage l’artiste Nina Beier éblouie, élégante Madone élancée en costume masculin, chiné gris avec sa ligne en suspens aux blonds accroches cœurs gominés.

Supermarkedet – les dispositions de ces vanités jetables semblent récolées à la suite
d’ un week-end low-cost de voyageur Airbnb, venu s’envoyer en l’Air avec une vol pour rien. Là, s’étendent sous verre de sécurité, la blague des touristes, ces serviettes de plages imprimées des monnaies fortes – ou des tapis de micro prière plaqués de perruques en cheveux aux teintes vaguement naturelles, plus loin se jouent des colloques entre Chien faïence et vase de Chine de bazaar qui s’envisagent de leurs surfaces dévorées par une espèces d’extra-terrestre croqueurs de mites porcelaine – Il y a aussi d’émouvantes gisantes, fantômes enfuies, aux robes de mariées en voile de synthétiques à points brodé transparentes, aux jupes bourrés de bourres de cheveux, de crins, de grains ou chanvres – Travail de la tête, c’est aussi beaucoup de cheveux qui débordent en mèches comiques, moumoutes pilotes de mini voitures télécommandées de luxe rasant le sol – on est à la foire aux sens et aux interprétations. Devant les piliers de pierre du CAPC des enfants mannequin de cire s’ennuient, avec à leurs pieds gisant comme sacs gibecières des écoliers d’antan des sacs de luxe (ou leurs répliques) débordant de gueules de chiens en faïence, ils posent comme pénitents recueillis (des rappels des ambiances du photographe Bernard Faucon) leurs sages sandales enneigées d’artificielle devant des écrans plats de portrait d’une famille virtuelle.
Des cages aux oiseaux-maison jouent les vitrines d’une vaisselle de chine, entre mise en scène pour enseigne de luxe ou parabole de la capture du kaolin chinois par l’occident germain du secret de la faïence ? l’essentiels reste que l’on s’en balade, balançant entre les sens et les interprétations, amusés parfois narquois, entre ces baignoires remplies d’œufs de marbre aux usages variés, et les mini poussettes de poupées remplies de mignonnettes d’alcool de mini fridge d’’hôtel « not at all included », des fauteuils à bascule en bois tournés, de belles des îles, portent leurs assises d’osier percées de coco fesses, les interprétations fusent et les sens se gaussent. Dominés par un canapé de cuir bousculé épigone de la scène dans la nef, comme le monolithe des premiers hominidés grimés de 2001 l’Odyssée de l’espace, nous sautillerons devant les feux de charbon de baguettes brulées.






On imagine le pire, on en associe les absurdes ou on s’en amuse et l’on est ravi de retrouver des amis communs. Jusqu’à ce que l’on nous tende un programme des médiations et des interprétations, ou toute la sauce d’une invention imaginative, où s’associaient la pâte maline de l’exposition et nos divagations touristiques contemporains ne soient aplatis, corrigés par le fer à repasser de la médiation interprétative. Ordonnant les lectures de sens. Peignant toutes ses mèches folles.. Et l’on en sortira déçu et bien moins amusé, juste le souvenir de l’impact de ses robes de mariées gonflées de bourre de cheveux qui nous avait ému d’une analogie au combat des Iraniennes dansant les cheveux au soleil. Mais, ce n’était pas l’intention. L’orientation de cette lecture brise toute la liberté d’interprétation de ces dispositifs. Quand le programme tempère l’imagination et l’enthousiasme avec son autorité officielle, ce qui est une ligne convenue et contenue d’une orientation du regard.
L’exposition est rétrospective mais s’avère vaine.

Comme étaient vains les efforts des bénévoles pour conserver des machines de l’histoire de l’imprimerie, déménagées à grands frais, au mois de mars, du quartier Ste Croix. La seule dénomination de Musée avait fait bondir d’effroi les employés administratifs à la culture et au patrimoine de la ville. « Comment, un Musée ! Mais vous n’êtes pas homologué, vous n’êtes que des bénévoles ! ». Pouah !
Un déménagement honteux et couteux pour permettre le développement du secteur design de (EBAX) l’école des Beaux-Arts, à l’époque où l’on forme et tord le poignet des espoirs de jeunes vers un horizon chimérique de la création utilitariste et grimaçante, une liberté qui se heurtera aux réalités du marché de l’emploi, et aux travers de la consommation mortifère.
Pour un design de quoi ? Un design pour quoi ?
Le seul design qui promet un futur est virtuel avec deux écrans projecteurs, du mapping ou une animation en 3D, un casque sur les yeux on crée des musées avec moins de matière qu’une clé USB.
Le seul travail étant celui de l’équipe d’illustrateurs 4D, esclaves micro financés de studios de start up interchangeables, essorés, le soir où se tarira leur enthousiasme autour du baby-foot. Recréant les salles des pyramides, ils n’auront pas la destinée mémorielle des Pharaons…
Des Musées se créent aujourd’hui avec pour seul projection leur volet d’investissement, la location de surfaces commerciales désormais vidées par le consumérisme numérique, le plus couteux étant la couteuse paire de lunettes, ou les dispositifs de projection bouleversant les sens et l’équilibre d’un « musée de l’Illusion ». Ou chez la star du recyclage culturel pour un équilibre budgétaire au top, la base sous-marine aux merveilles du Mapping, accueillant les foules aux projections kitsch et tonitruantes recyclant et triturant le patrimoine de l’art entre pop et marché de l’art des Musées en tubes de dentifrices pixelisés.
Voilà notre avenir, le Musée du y’a plus ‘’Rien’’.. Aux collections d’objets creux, qui seront peut-être exposés dans les futures salles de découvertes des prochaines générations, où des accessoires design et des lunettes aux écrans dont la somme d’exploitation, les applis et logiciels seront devenus obsolètes et ne feront résonner que leur carcasse de polyester ou leurs écrans noirs muets.
Joie du futur, égayons-nous, l’imprimerie sa fortune graphique et la bibliothèque de son histoire vous saluent bien .
