@Art  Paris.

Il y a déjà 25 ans se tenait le premier salon Art Paris, cette capsule créée à la suite de nombreuses initiatives de leur créateur, afin de placer en vedette les galeries aux récentes créations et les jeunes artistes. Cette ambition accueillant des institutions du territoire national, entre autres galeries dédaignées par le cirque des communications menées par la Foire Internationale d’Art Contemporain à l’époque.

Une foire pour l’art, originale, croisant les lignes de développement d’un monde de l’art dominateur, en privilégiant les galeries du territoire, les acteurs émergeants et une scène de l’art français régional.

C’était réunir aussi un certain nombre d’acteurs mis à mal par la volonté hégémonique d’un système, le marché de l’art international, écrasant les spécificités et les originalités artistiques émergeantes au profit de la seule autorité de ce qui est devenu aujourd’hui le monde des méga galeries.

La FIAC n’est plus, son nom a fait  »pfuiit » dans la vitesse des événements. Le monde du jet-lag ininterrompu continue de tourner, où s’enchainent les fêtes et les previews exclusives émaillant les agendas de décideurs en voyages d’affaires, tous happy few d’un tourisme de luxe et autres figurants et parasites venus se retrouver en terrain reconnu dans les allées bien peignées de foires internationales.

Force est d’un Olivier Debré grand format bleu croisé galerie Jacqueline Bailly.

Art Paris a survécu malgré les nombreuses pythies catégoriques aux pré-visions catastrophiques, la prédisant effacé d’un coup de tampon sec, ne laissant que les traces d’un nuages de craie, poussières sur le tableau noir des cours de la finance artistique.

Art Paris n’a pas échappé aux trahisons, aux déclarations telles que  »faire table rase » ou relancer un marché, ou de motiver un intérêt manifestement en berne.
La première volonté d’Art Paris n’est plus, celle qui sut réunir ensemble les premiers exposants, motiver une équipe et des partenaires, une réunion d’énergies gonflés à bloc dans cette perspective de défendre et de présenter un autre versant des sommets inatteignables de la création dans l’art contemporain, l’art moderne et le design.

Son nom et son ADN ont été conservés, malgré les coups de couteau dans le dos et les disparitions prématurées. Les fâcheries sont oubliées, restent le printemps et une joie qu’éprouve de nombreux amateurs, fidèles et professionnels de se retrouver dans un côtoiement fertile, propice aux évaluations lapidaires ou à des retrouvailles émues célébrant la vie et la mémoire de l’art moderne et l’agitation contemporaine.

Art et vie de l’art.

25e foire où les stands ou booths étaient tous d’excellentes tenues, avec des bilans de vente largement partagés dans la presse professionnelle, pleinement satisfaisant pour un grand nombre.

On y croisait la vie et la mémoire de la  création :

Un peu à l’écart du cirque, et afin d’éviter les foires aux évidences et autres tours de force du marché, on pouvait se laisser simplement guider par son œil dans le shows de nombreuses galeries.

On remarquait, galerie Derouillon, le solo Show d’Alexandre Benjamin Navet (1986,-), telle une boite aux couleurs recyclant des quadrillages colorés sur plâtre blanc de jardins à la françaises évoquant Cocteau, les décors de « Bébé » Bérard et l’Everyday painting de Hockney. Joyeux exercice pour l’artiste, qui prête son expression en all over à de grandes marques prestigieuses, au risque d’épuiser l’enthousiasme.

Une démonstration qui était loin, très loin d’un autre solo show, celui-ci avait tout d’un temple invitant à la contemplation, avec une brillante réunion des œuvres de Jean Pierre Pincemin (1944-2005) par la galerie Dutko.

Cet autre peintre brillant autodidacte, l’accrochage liant de nombreux exotismes à des grands formats luisant de matières à l’intériorité chromatique, on en sort à regret, tant on aimerait y passer plus de temps à la méditation ébloui par cet artiste qui reste encore trop souvent réservé aux connaisseurs.

Galerie Catherine Putmann, les remarquables impressions de gravures sur bois d’Agathe May (1956,-), et les papiers brossés de couleurs dont trois aux effets de monotypes de Jean Messagier (1920-1999) se côtoyaient avec amabilité.

Jean Messagier / Galerie Catherien Putmann.

Coup de vert, pour ce Vert et Bois de Alonso (1923-1994) chez Soskinn Inc, qui fait réfléchir à la fragile conditions des qualités de conservation pour certaines œuvres au geste original.

Alexandre Lenoir (1992, -) chez Almine Rech. Dans l’eau 2022. Telle un spectre savon émergeant d’un ruisseau, une silhouette enfantine colorée apparaissait toute fondue par le cours d’effets délavée hachurés.

Alain Josseau (1968,-) chez Claire Gasteau déclinait avec maestria l’art du dessins, sur 8 panneaux (chacun de 154×428) récapitulant tous les plans de the Rope ( la corde), déjà un  brillant essai en cinéma-plastique d’Alfred Hitchcok (1899, 1980), ce jeu au théâtre filmé, dont l’action se livre en un seul lieu, Alain Josseau empli un story board à la mine de couleurs pour un magistral effet de virtuose et une mise en abime.

Hongjoo Kim (1945, -) grands formats (220×220) la trace entre test de Rorsach et empreinte de mouillé, tendu toile bords brut chez Gallery Woong.

Moment bleu, dans les murs de toiles tendues Galerie Retelet, c’est un hommage iconographique à René Magritte (1898-1967), imperturbable trublion, l’artiste se prêtant au jeu du modèle en miroir pour de nombreux amis photographes, cette exposition introduisant une rare œuvre au noir , « le fruit du rêve » datant de 1927, soit post-passage chez les surréalistes parisiens,  au cadre art déco, une rencontre impressionnante.

Suivi d’un second moment d’art de Bruxelles, où la galerie Rodolphe Janssen présentait de nombreuses toiles de Gert et Uwe Tobias (1973,-) des artistes jumeaux et roumains qui semblent rencontrer les faveurs de institutions internationales avec leur univers coloré mystique où d’inquiétants hiboux et des formes aux grotesque médiéval composent des corpus d’œuvres en impressions sur toiles de gravures sur bois, ils ont les faveurs du New York’s Museum of Modern Art, de la la London’s Whitechapel Gallery, and other venues with their monumental color woodcuts/.

L’impression qui parle. Encadrée, ce pli seul au centre d’une impression unique d’un dégradé bleu, d’une photographie au rendu aléatoire, c’est le papier à  l’honneur par Julien Mignot (1981, -) sculpture, photographie et œuvre sur papier réunie chez Esther Woeherdehoff. La réalité d’une quatrième dimension dans la platitude de la seconde dimension.

Effet d’optique double ou d’écho entre deux tableaux d’Hermann Nitsch (1938 -2022), séparé à un jet d’entrechat d’une allée entre les galeries Repetto et Opera. L’ennemi de B B (comme le titrait l’article du Figaro paru en sons hommage à la date de son décès en 2022). Ce Dionysos Autrichien épandait sang et peinture dans des actions d’art extrêmes, happenings célèbres des actionnistes viennois, convoquant les 5 sens, et dont le public et la critique n’auront retenu que le blasphème. C’est un effet d’amnésie des méandres de l’histoire humaine, car le sang répandu lors des solstices des cérémonies à la pleine lune signait/actait/symbolisait la profonde spiritualité primordiale de la vie, les sacrifices ont toujours accompagné l’émergence de l’esprit pour notre espèce à cerveau qui marche.

Un peu loin de ce symbolisme primal, Gerard Schneider (1896 – 1986), dont les œuvres se signalaient dans de nombreuses présences des stands et pour un solo show chez Alexis Lartigue Fine Arts. Où là, bien heureusement, pour un amateur collectionneur, à la tonitruante moustache accueillie par le galeriste : « c’était la période que je préfère, à contrario de l’autres que j’apprécie moins » , « bien sur » acquiesce avec patience le professionnel » le foire sert aussi de médium à ces reconnaissances intimistes. Même si ‘’on’’ ne pouvait pas nécessairement suivre son avis, espérant le réveil d’un intérêt vacillant pour cette abstraction au lyrisme répétitif, tout en glissandos de primaires contre complémentaires sur moyens formats du peintre d’origine suisse naturalisé français en 1948. Un membre, de ce qui fut une équipe du mouvement de la malheureuse école de Paris, l’abstraction lyrique, bien trop souvent ignorée par le marché de l’art, hors Zao Wou Ki, et enfourné par paresse des commissaires dans un seul sac, celle des ventes à moins à moins de 5 000€..

D’autres écoles elles reprenaient feux, sur les cimaises, ranimées aux souffles des prestiges du patrimoine de l’architecture et de la décoration, dont les histoires sont glorifiées, voire gonflées par des galeries mêlent art et design et rassemblent les décorateurs collectionneurs. En ce sens le stand de la galerie Zlotowski réunissait sous la bannière d’une radieuse tapisserie du Corbusier(1887-1965) quelques papiers et collages d’inspirations kandiskienne du même C-É. J-G. (Charles-Édouard Jeanneret-Gris), agrémentées de quelques sublimes et fragiles pièces, telle une aquarelle de Jean Lurçat, une encre de Dubuffet et quelques magnifiques compositions graphiques colorées sur papiers d’Eugène James Martin (1938-2005).

En écho, les effets de géométries colorées chez Leppien Jean (1910-1991) galerie Lahumière, agissait comme le rappel d’un absolu essentialiste des gammes chromatiques aux vibrations d’une métrique de partition pour abscisses et ordonnées.

Chez Double V, galerie à Marseille, D’autres gammes éclosent nos perceptions, celles toutes en circonvolutions colorées et géométriques couvrant des papiers aux traces d’une fraicheur chorégraphique en dominantes rouges de la jeune artiste Caroline Denervaud (1978, -). Les motifs et danses de cette jeune artiste décryptés, aplanis en longues déclinaisons dans un texte roboratif, servant la références dans plusieurs stands suite à une initiative du commissariat général, les paralléles ? Ces inspirations irriguées par la glose inextinguible du commissaire vedette du moment, jeune commissaire voyageur qui voit tout, Joêl Riff, nommé récemment à la vitrine Hermès à Bruxelles, brillant podium aux ambitions des plumes érudites de l’art contemporain.

« On » reste un enthousiaste dans la couleur, en se tournant vers un effet nouveau, assuré par les essuyés d’acrylique sur lin, façon bêtises de Cambrai, de Kim-Young-Hun (1964, -) accueillis dans l’accrochage de la Galerie Richard, où les répétions des essais graphiques de cet artiste, qui souhaite percer à jour la mutique matière électronique aux séquences O-1, par le biais d’une pratique de peinture ancestrale Coréenne d’excellence artisanale proche du cloisonné.

Répétitions et variations de cet effet optique qui provoque une certaine confusion puisqu’ils sont accrochés en compagnie des cadres tendus sur texture aux effets de crevés des matières pigmentaires essuyés sur velours  des formats de Remy Hysbergue, (1967, -), toute cette moire prenant lentement notre séduction en possession.

Les travaux présentés par Alzueta galerie de Barcelone, ravissant les sens par leur fraicheur, fusaient aussi de couleurs et d’amples tracés, que ce soit juste au plus simple du trait ou dans des circonvolutions. Un dispositif de tressage brut de Mark Corfield-Moore (1988,-) j’allais écrire cornfield more (très green acres..), ou dans des volumes losanges liant pigments mats en wax sur plâtre de Mirco Marchelli (1963,-), aux gentillesses bénignes aux aimables formes colorées apaisantes de Francisco Mendes Moreira (1979,-)   ou entre d’autres arabesques sur surface entière signées d’Aytahamy Armas (1977,-) avec ces esquissées calligraphiques dynamisantes.

Chez Felix Frachon la ronde se poursuivait et s‘achevait dans les couleurs hachurées sur papiers de Marianne Aublet (1948, -), dont on espère en savoir plus, en point final  un autoportrait saisissant de réminiscence sécessionniste de l’artiste Shine Shivan (1986,-).

Art Paris et ses retrouvailles entre collectionneurs galeries et publics français. N’avait semble t’il pas tant besoin ni d’américains, ni de chinois ni de russes, le marché de l’art international ne serait-il donc qu’une neuve mythologie, un prétexte dans l’autorité des décideurs ?

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