Sometimes it snows in April…

1986, un voyage au japon.

Tokyo, le mont Fuji, arpenter les trottoirs de Roppongi et Shinjuku, avoir 19 ans à peine.

Ce sera ce voyage, celui pour les défilés d’Avril.

Scan collage paquet de cigarettes Hope du modèle Zooey Blu, solarisé, Photographe Japonais (?)
Catalogue Arrston Volaju collection Khoshin Satoh hiver 86/87.

J’avais en quelque sorte « émergé » d’une sélection, je m’étais présenté pour un casting, au centre de danse du Marais, c’était aussi le dévoilement de mon concept personnel, celle d’une identité allumette : Zooey Blu. Entité androgyne, nouvel être-né conçu à la suite de photos réalisées par Simon Zeeman, puis Louise Maison et une amie de Louise dont je ne me rappelle malheureusement plus le nom. Ces prises de vues produites en termes de dresser mon passeport d’image personnelles, le portfolio, un book d’adolescent fragile et têtu, avec sa silhouette môme aux cheveux sombres. J’avais été sélectionné, grâce sans doute à mon célèbre lâcher de manteau, pièce accessoire, le manteau que j’avais piqué à maman, avec cette fermeture à pan décalé, boutonné sur le côté avec des agrafes en métal sans doute d’Anne Marie Beretta. C’est par le geste qui dégrafe d’une main en ébouriffant les cheveux longs de l’autre, ou en laissant tomber ce kimono

peignoir noir de mon père, piqué lui aussi pour ma silhouette parisienne, je ne sais plus bien avec lequel de ces emprunts parental s’effectuera le lever du rideau sur Zooey Blu..

Khoshin Satoh signe Arrston Volaju, oui c’est du japonais, qui est quoi, quand et pourquoi ?

Après avoir participé au premier défilé parisien de ce créateur japonais, en février, durant la semaine des défilés Homme, une présentation dans les salons du premier étage du pavillon Gabriel. Suite à cette première collaboration, enivrante journée d’artifice et de fêtes, j’avais été choisi encore une fois, mais toutefois comme solution de remplacement, car c’est à la place d’un autre modèle qui ne pouvait se libérer d’un contrat d’exclusivité que j’étais invité à m’envoler par-dessus la Russie/ Mongolie/La Chine, pour atterrir au Japon.

Voyageur modèle pour le créateur Kohshin Satoh et sa marque Arrston Volaju, au style excentrique et baroque, jouant les mix and match d’éléments passéo-futuristes décorés, très allumé d’accessoires déments, bottes de mousquetaires aux talons vis écrous, chapeaux tricornes, pour illustrer des pièces en cuir d’agneau soyeux, cachemire et tweed de luxe, matières aux détails et de qualité fastueuse. Un style courageux pour le créateur, soit donc à cette époque charnière du business donc à l’antithèse de la pose pauvrette d’un Yohji Yamamoto et sa Rolls de collection, ou du tee-shirt déchiqueté qui valait déjà son Smic à l’époque, de la sorceress Rei Kawakubo pour comme des Gar*ons. Plus proche du poseur gamin était Satoh san, dont le label se distinguait par une marque Arrston Volaju, ce qui signifiait, je l’appris ensuite, le phonétique assemblage d’un refrain inspiré de poésie teinté de rock ou de funk jazz célébrant en fait les qualités d’une Aston Martin Volage…

Mon profil de chat de gouttière efflanqué était celui d’un androgyne hantant le quartier des halles, à l’époque du sautillant « in Between days » des Cure, aux cheveux longs, à la démarche aux ailes déployées dramatique d’un Bela Lugosi de boite de nuits puisqu’à l’époque on s’illustrait en chorégraphie sur la « death » du grand acteur de cinéma d’épouvante (Bauhaus – Bela Lugosi’s dead). Une prestation de poseur qui avait en quelque sorte cloué sur place l’équipe du créateur, surtout son attachée de presse, américaine bilingue japonaise et épouse de l’agent de Bob Dylan, blonde chiffonnée ou look très « Bangles » (Our lips are Sealed) et bancale qui m’avait accueilli d’un : « amazing ! », je préfigurais en fait déjà cette silhouette du Yaoi.

Le casting assemblé par Jean Claude Lagrèze, photographe que je fréquentais dans l’entourage de Yianna Katsoulos, celle qui m’avait rebaptisée Zooey, car elle estimait que Mon simple patronyme et son identité familiale ne marquerait pas vraiment mes débuts de Rock Star.. Je faisais partie, comme figurant, de cette bande unie par les fêtes en boites, nourris aux cocktails et cacahouètes-petits fours des junkets de lancement de 45 tours pour la presse rock. Je côtoyais la scène parisienne, jeune rescapé de mon Oise et Val d’Oise, crashant dans le studio au métro Bel Air de la chanteuse Yianna K, celle là même qui fut bientôt l’éphémère vedette du célèbre titre « et les autres sont jaloux », mais à l’époque elle en était à son son tube d’essai, un brin plus classe, qui portait le titre millésimé de « I Love Champagne ».

Souvenirs épars du séjour de deux semaines :

Le vol pour Tokyo, l’avion pris vol avec une escale à Moscou ou, en effet, il neigera au mois d’avril comme dans le titre de la chanson éponyme de l’album de Prince, « Parade » sorti cette année là, .. Mon idole ! Prince la petite frappe hétéro en talon aiguille et culotte de dentelle sous son manteau long violet ou en cuir.. Master du funk et génie trop tôt disparu en 2016.

L’hôtel d’état réservé aux passagers en transit à l’aéroport de Moscou, où la concierge d’étage (gardienne) fixait notre groupe d’échevelés jeunes hommes d’un air contrarié, dans les chambres les draps avec une large ouverture ronde pour la couverture nous avaient intrigués, la salle de déjeuner aux giga proportions, drapés de rideaux de voiles poussiéreux aux volutes théâtrales nous avait inspiré de lyriques poses et gestes théâtraux mais chut…il ne fallait pas faire d’éclat. L’excitation du vol, je ne dors pas, je regarde le sol de l’Orient défiler, où je crois deviner les traces de la Chine, le désert de Gobi où se distingue la colonne vertébrale de la Grande Muraille.

Arrivée à l’aéroport de Tokyo Narita, deux assistants du studio Kohshin Satoh viennent nous chercher, nous : Jean Marie, Simon et Kelly ?

/Jean Marie/Jérémy, chat à moustache, « ambiguous » hétéro brun à cheveux longs, peau blanche, et mouche, Deejay et personnage de nuit, peut être disparu depuis dans un effets de manche à jabots où se dissimulaient les poudres et cachets de ce noctambule dandy ?

/Simon ma contrepartie, américain californien à la tête de portrait d’un Van Dick, avec son profil à moue prognathe très 17e siècle, dans un style figuré d’une aristocratie décadente, personnage à la Audrey Beardsley aux cheveux longs blond et à grosse lippe boudeuse..

Siméon & Zooey photo Simon Zeeman

/Kelly, immense silhouette de danseur, il était à l’origine joueur pro de tennis, devenu ce grand mannequin noir athlétique aux cheveux longs, comme tresse toutes ramenées sur le côté tel Pete Burns ou les frères du groupe fake Milly Vannily, lui était bien plus classe, avec son immense mèche sur le côté, ce qui réclamait tout un « grooming effort ». Il était surtout immensément drôle, et le side part de Simon./

Arrivés nous découvrons le studio de Kohshin Satoh, situé dans un quartier sans doute près de Roppongi, où Shibuya ? À savoir que comme nombre de rues à Tokyo, c’est une artère cachée sans réel nom, derrière une large avenue, avec au coin un bar genre american grill ouvert 24/7

Les assistants du studio nous emmènent ensuite à notre hôtel, le New Washington, je partage ma chambre avec Jean Marie/Jérémy, à mon grand regret… sentiment qui se révélera vérifié une nuit particulière, réveillé par les jérémiades d’une de ces jeune amie japonaise levée dans une bar et hystérique !

Mais c’est encore le premier jour suite à l’atterrissage, je me réveille de ce que je pensais encore une sieste, à 7 heure…, les assistants appellent la chambre : « to go out to eat » , je suis en plein jet-lag persuadé qu’il est 7h du matin et donc abasourdi de voir tous les gens dans la rue, cette foule qui se presse, les magasins, je mets un long moment avant de faire l’ajustement. Nous ne sommes pas 7h mais 19h.. car à la réflexion : pas étonnant de constater que les japonais sont si puissants, ce peuple de travailleurs dès 7h du matin ! Je reste ébahi stupidement un long moment avant de comprendre ma méprise.

On y mange quoi ? Ramen, Sushi, Tonkatsu, Brochettes et saké, Bières ?

Le lendemain matin au studio Kohshin Satoh, je tiens à prendre mon premier cours de notions de japonais, auprès d’une assistante/ afin de capter les : bonjour, dire merci, me déplacer, etc, je me rappelle l’histoire du métro où à l’époque où tout est écrit en katakana pas simple à intégrer au premier coup.. retrouver la station et l’adresse pour l’hôtel que J’ânonnais au taximan, « NHK No Maïno.Hotel New Whashington-e .Ite Ku Daisaï » devenu mon sésame depuis pour lier contact avec les japonais de passage, interloqués et hilares.

Le défilé le lendemain ? Non quelques jours après, peut être le sur lendemain ?

Mon ivresse joyeuse au petit déjeuner dès l’aube de ce matin là, que j’avais pris au Mac Do (très chic au japon à l’époque). Le défilé dans les salons d’un grand magasin, au dernier étage, mais je ne saurais plus dire lequel.

Le défilé, où nous sommes les cobayes de tout un bastringue capillaire, du maquillage, de la poudre et du gloss, etc qui sont en fait une mise en armure cosmétique pour les besoins d’une performance de deux ou trois défilés, un pour la presse, un pour les acheteurs, un pour les amis, qui sont tous des fans en délire. Nous finissons passablement beurrés au champagne – Fashion Darling !

Vedettes du jour, on nous exhibe costumés ensuite dans une tournée des restaus Branchés. C’est le soir suivant que nous célébrerons le succès de l’équipe pour le défilé dans un immense restau avec une décoration thaïlandaise 50’s, avec une large scène, sous un toit de hangar où l’on nous sert des immenses plats de poissons géants entiers, un délire de crustacés, des seaux de curry, des montagnes de fruits frais, et des bières et des sakés et du champagne. Le restaurant, était ce « le Chinois.. » ?

Un soir celui-là, un autre ? nous suivons les assistants dans une boite en étage.. Pour nous en Europe les boites sont en sous-sol, au Japon c’est au 15e étage.. Avec une ambiance rasta et japonais ! chic bien sûr, toujours chic car décalé.

Encore le soir du défilé, habillé, maquillé et coiffé de mes stupides anglaises dans un bar, passagers dans une boite de nuit Kohshin Satoh me présente Ryuchi Sakamoto.. je trépasse..il me croise avec un bonsoir « Hajimemashite », alors sans autre affectation, ma carrière de membre français du Yellow Magic Orchestra s’arrêtera là…

Souvenir, ce sont des fragments : les boites d’allumettes du bar (un autre), très Palace (version 90 club déco grille de métal), genre la déco dans « the Hunger » où nous sommes aussi allés trainer un soir. Le défilé hallucinant dans un endroit aux escaliers immense, type bibliothèque moderne, celui du créateur japonais Yoshiki Hishinuma, un ami de Kohshin avec ses robes immenses qui sont comme des kimonos parachutes, aux pans infinis flottant comme voiles ou cerfs-volants en soie multicolores.

Boite d’allumettes du bar esthétique The Hunger / LePalace seconde période, le Paradiso.

Souvenir « fabulous » aussi, de la journée de tournage d’un clip de promotion pour la marque Arrston Volaju, sur le versant du Fujiyama… Sauf que, on ne le voit pas, le très saint sommet..en fait pour moi, c’est un parking avec une auberge au crépi moche coincée sous les brouillards.. qui sont aussi les fumées volcaniques en plus de ce brouillard et le mauvais temps, je n’ai pas vu le « scintillant » ce jour-là, mais je me suis vautré avec mes mocassins en cuir à tige à pompons où ces bottes à talons de bobines techno vissées, dans les roches poreuses et abrasives et j’ai bien suffoqué sous mon maquillage poudré dans les vapeurs toxiques.

Là encore, c’est une nouvelle séance de make-up and hair hallucinant, avec toujours ces satanés postiches de boucles anglaises attachées au crâne. On nous demande de mimer des scènes muettes : « là , levez les yeux, un avion qui passe.. » où j’appréhende au fur et à mesure que je tiens plus ou moins le rôle de la fille ou du Ona/Otoko ou genderless Kei.. Enfin je suis Yaoi avant la mode ou pas ?

Au retour de cette journée, où les humeurs sulfureuses du volcan nous ont sérieusement fumés, c’est en émergeant enfin de ces nuages et brouillards que nous dinerons dans un Ryokan fabuleux. Ce superbe Onsen, là où l’on prend à la japonaise le bain ensemble, évidemment l’équipe du studio de KS et du tournage tous mecs jeunes japonais se moquent de nos sexes, de nos poils, de la peau et de notre pudeur, mais cette séance est suivie d’un déjeuner merveilleux en tout cas. Je suscite l’hilarité, lors du repas, clown et mime, mais je suis tellement heureux que je me moque bien de passer pour le « model pet » ?

Nous serons invités également un soir (le dernier) à diner dans la famille Satoh ou Mme Satoh aura assemblé un Shabu shabu, le premier que je goute… Je me souviens de leur fils, enfant bébé ? Et peut-être d’un autre bébé en attente ?

Le karaoké à l’hôtel, avec le distributeur de cigarettes, les japonais fumeurs compulsifs, je chante « Imagine » de Lennon, assez mal si je me rappelle bien malheureusement..

Le Shooting en studio, c’est cette dernière journée de travail, très longue et alourdie par les défauts de communication, tout ça pour se faire expliquer les poses par un photographe assez cérébral sans doute sous influences ? assez, complexe en tout cas, je suis un peu à bout de cette histoire à ce moment-là, en restent les clichés solarisés.

Le dernier déjeuner, avant de reprendre l’avion, je suis convié seul par Satoh san et une autre personne de ses amis, un érudit cool, je parle anglais ce qui facilite enfin la communication avec Satoh Khoshin par le biais de cette personne, je suis triste, je voudrais rester, mais mes contacts avec une agence de modèles à l’époque n’ont pas rencontré de succès, trop tôt (1986) pour mon type de genre, comme modèle a l’époque des californiens et autres costauds aux sourcils et torses larges.

Juste avant le taxi de départ, les photos du défilé que nous échangeons entre le studio et les modèles qui ont participé, le cadeau des vêtements psychédéliques d’autres saisons précédentes et de la redingote à Huit poches avec rabats, pas moins.. éditée spécialement pour le défilé, dans la trame en filigranes est indiquée la date du show et la saison. Cadeaux qui feront le look de Zooey les saisons suivantes, jusqu’à l’usure.. L’au revoir de ce superbe top modèle japonais, grand élancé, impressionnant comme un samouraï de film, et l’ultime conversation avec la PR ..Bilingue Japonaise à l’accent cigarette, elle est la compagne de l’agent de Bob Dylan, sans doute se sont-ils rencontrés par ce que Kohshin avait en son temps habillé le Grand Miles Davis, s’est-elle trouvée dans son entourage et donc toute désignée pour sa mission de relation publique et de presse internationale ?

Il y aura ensuite en France, un dernier défilé, celui-ci pour la semaine des défilés homme saison printemps été 87, qui dit été soit en juillet soit en septembre à l’époque ? avec l’équipe de Kohshin Satoh, où je me ferais pas mal prier pour me dandiner en maillot de bain au son de « let stick together » de Brian Ferry. Mais ce dernier honneur est le chant du cygne de Zooey Modèle.. ouvrant le premier passage avec la mine inspiré, cigarette et col basculé, ils m’auront frisé les cheveux longs cette fois-là. Pas mon style à l’époque.

La grande classe pour ce défilé galerie Vivienne, mais qui n’installera pas durablement la marque en France, pas de succès auprès de la presse, et trop en décalage pour les acheteurs, et sans doute trop onéreux..Je reconnais sur les photos les journalistes qui deviendront mes collègues de bancs des défilés, cela quand j’entamerais ma carrière de styliste photo et rédacteur Free-Lance, un autre chemin douloureux celui-là, sans doute un autre récit.. pour si peu de chic en définitive.. A noter que nous défilons juste sous le fenêtres du studio de Jean Paul Gaultier, mais ni lui ni aucun autre créateur de mode, Issey, Claude, Yohji… etc, de l’époque ne m’aura plus sélectionné, on disait booké…, par la suite, c’était la fin de la carrière de modèle, des conflits passionnels avec l’équipe de Lagrèze  ( impliquant un copain type viking), je suis donc répudié de son monde au mode d’artifice.., et j’entame à 20 ans, au printemps-été 87 une autre partie de la collection des vies de Zooey, celle où je rencontre « another guy », le fascinant Guy.. Un peu après avoir assisté au concert de mon Idole à Bercy.

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