Lucy Sparrow

Sewing you, Art Babe

Sewing your art, si l’on »gogole« ce terme générique au moteur de recherche mondialiste, ils se proposent une large quantité de sites DIY (do it yourself) et autant de tutoriels guidant tout à chacun afin de coudre des personnages et des objets en feutrine.

L’artiste Lucy Sparrow est une spécialiste compulsive, de la classe grande maitrise, dans cette pratique de couture fétichiste en feutrine.

La jeune artiste anglaise a pris le monde de l’art par surprise en plaçant certains collectionneurs dans un état particulier de dépendance depuis 2010. Ce succès lui est advenu après de nombreuses années de galère, qu’elle évoque sur son site ou dans ces interviews, elle fut entre autre danseuse de cabaret, il y a pire mais c’est moins chic.

Lucy Sparrow vous invite à coudre votre âme… ou plutôt « sew your soul ».

Page Instagram SewYourArt, avec ses tomates mignonnes tout plein...

L’ amusant, c’est à noter si l’on ne prononce pas assez bien l’anglais, comme de nombreux français, c’est que la phrase peut aussi rappeler le terme : sue your…,  qui est traduit comme le terme générique pour attaquer en justice une autre partie,  ici, ce serait son/notre âme, singulière métaphore de la dépendance…

Car Lucy Sparrow commente en l’objectifiant le degré de nos dépendances nombreuses et diverses en l’exhibant par des motifs variés, dans ces représentations d’objets en feutrines qui fonctionnent  comme des objets attachant et d’une mise à distance (c’est le moment du mot) dénonçant les commerces du marché des armes à feu, du matériel fétichiste et pornographique, de la consommation séductrice et compulsive, en bref de notre junk consumérisme.

Visuel design collector/ Lucy Sparrow on §th
https://designcollector.net/likes/delicatessen-on-6th-by-lucy-sparrow

Lucy nous invite à coudre notre âme par le sortilège de ses dernières créations, là où sont rassemblés une folle ribambelle d’ une cohorte multiple de personnages qui sont autant de produits de consommations, tomates, bonbons, canettes, choux-fleurs, une liste de course extensive. Cette véritable débauche de formes, de couleurs et de formats permet à tous ces objets d’accèder, par un biais parodique, au statut bénin de représentation comiques, à des fétiches joyeux et addictifs.

Cookie Monster

Leurs formes rappellent les personnages délirant des marionnettes, elles aussi en feutrines, de l’univers prolifique et joyeusement déconnant de Jim Henson, génial créateur du Muppet Show, et créateur du premier couple homo pour enfants : Ernest et Bart vedettes de Sesame Street.

Vegetable choral and the swedish chief/ The Muppet Show
Ernest et Bart / Sesame Street

Tous, personnages qu’ils soient produits de bouche : tomates, aubergines, steaks hachés sous vide, palourdes, huitres, crevettes, moules, ou d’autres marchandises alléchantes : pâtisseries, boites de gâteaux, pots de glaces Ben&Jerry ou comme ces petits choux en feutrine qui sont assemblés artistiquement arborent tous une paire de perfides petits yeux noirs d’insecte, qui aspirent soudain votre âme avec leurs bénignes  formes tendres, d’objets transferts, les boites de soupes, ou paquets de céréales kidnappent également votre cœur en otage, dans un grand élan « Kawaï ».

Banque d’images – Kawaii food vector émoticône caractère japonais sushi et emoji sashimi roll avec du riz de dessin animé au Japon restaurant illustration cuisine asiatique sertie d’émotions faciales isolé sur fond blanc. ©123rf.com

La culture Kawaï (jeune japonaise en délire d’adoration) est l’autre forme de dépendance folle et consentie au ‘’mignon !!’’ – Car il faut au moins deux marques d’exclamations pour saisir l’intensité contenue dans cette déclaration spontanée d’amour esthétique et inconditionnelle – pour des objets ou formes que d’autres trouveront ridicules, enfantines, culculs, voire pour certains esthètes, vulgaires.

Ce système d’évaluation d’une esthétique commerciale du commun, muée en art sublimé par le biais d’objets devenus incontournables et désirables, par ce qu’ils sont rose ou à paillette ou Smily le cConcombre portant une charlotte sur des bouclettes blondes est érigé en système de vie quotidienne par des hordes de jeunes japonaises esseulées, peut-être en manque d’autres excitations et de formes physiques d’emportements, l’objet transitionnel transformé représentera une élévation mystique.

Supermarket fait de feutrines, un tour de force, par l’artiste Lucy Sparrow, Dailymail

L’artiste Lucy Sparrow, dont l’homonymie résonne comme celui d’une super héroïne, un personnage de dessin animé, on l’imagine vêtue de couleurs fortes et tranchées, en costume portant masque (sur les yeux…) et cape en spandex, telle une super vengeresse de la machine à coudre. Lucy cultive la nostalgie du shopping – par cette pratique d’une folie reproductrice dédiée à l’esthétique surestimée de la consommation – ses objets doudous en feutrine – pour une artiste contemporaine anglaise créatrice de cette multitude, cette surproduction qui souligne sa critique de la surconsommation.

Doudou power

Elle ouvre également la perception que portent ces objets dans leur utilité psychologique. Car si ils sont impliquées dans la rémanence de notre tacite acceptation à la dépendance et à l’endoctrinement aux marques, aux qualités prêtées à tel ou tel produit : c’est notre éducation à l’assujétion consumériste. La personnification des produits de consommation, celle qui conduit à notre attachement môme, dédiée à cette part de notre cerveau disponible que l’artiste instrumentalise. L’irrésistible pouvoir du doudou originel, l’objet transitionnel à l’attachement duquel nous procurions toute notre tendresse. Cet objet touche de caresse, avec cette manière de l’empoigner, de le masser, le pétrir, le porter à notre bouche, puis de nous le coller sous le nez, puis de le passer dans nos cheveux, cette première extase érotique, jouissance d’enfant par le biais d’un objet. Par cette résurgence, l’artiste anime une nouvelle pratique d’un art contemporain, par une mise en abime de la consommation en jouant hors cadre leur mise en scènes dans des espaces commerciaux factices.

Mister Rogers et Tiger
Mr Rogers en version crochet, avant l’invention de la feutrine… ?

Objet transitionnel est la marionnette doudou, dégueulasse, détruite, baveuse, lavée, délavée, des objets qu’utilisait Mr Rogers, avec foi et sans ironie, pour faire passer ces messages comme pansements émotionnels, un message qui était destiné aux désordres et aux démonstrations colériques ou traumatique de frustration des petits enfants, où « l’objet parle pour moi de mes sentiments ».

Tom Hanks joue avec une suavité déstabilisante cette personne hors du commun, Mr Rogers qui aura accompagné les matinées de petits américains esseulés devant leurs postes de TV nounou durant les années 60 et 70, le film tente de percer à jour la réalité du personnage.

L’histoire de cette star des programmes nationaux aux USA pour enfants sert de « pattern », patron ou modèle, nous sommes dans la couture.., à la sublime série « KIDDING » où Michel Gondry s’en donne à cœur joie de jouer au Jim Carrey, qui s’en donne à cœur joie de jouer aux marionnettes, Kidding ou jeux d’enfants (ou « je blague » une expression courante aux USA). La vie des personnages secondaires que sont les marionnettes, y devient, dans la saison 2 de cette série enthousiasmante et tragique, les objets d’une négociation pervertie, en de nombreux sens, dans la résolution du contentieux d’un divorce, savoureux dilemne…

Jim Carrey dont le personnage rappelle la figure improbable du vrai Mr Rogers, dans une série délicieuse et tranchante de Michel Gondry « Kidding ».

L’ouverture d’un goody shop à New York au Rockfeller center–  l’hiver 2019 dernier, entre la 5e avenue et Broadway, c’était le leiu où l’artiste conviait ses 76,9K followers sur instagram (https://www.instagram.com/sewyoursoul/ ). Une invittaion à venir visiter une éphémère Galerie et Boutique de souvenirs Pop-Shop, à l’instar de Keith Haring quand il écoulait ses produits dérivés au grand Dam de la faune ultra snob du monde de l’art New Yorkais sous influence colombienne…des années 80.

Ce goody-shop exposition, où peut-être une grande majorité des visiteurs enchantés étant pour la plupart étrangers au processus d’œuvre du commentaire de l’artiste, étaient en fait tout simplement incapables d’en rien comprendre. Percevaient-ils le lieu comme une craquante échoppe de souvenirs incontournables – la brillante Lucy ne s’en plaignait pas, car ces produits de consommation aux pouvoirs décuplés par ses manipulations obstinées s’y sont arrachés comme des petits pains.

Manipulation scabreuse

Désormais, ils ne leur manquent plus que la parole. Comme dans le terriblement inconvenant dessin animé « Sausage Party », ou la vie privée des aliments (the great beyond– jeu de mot aisément traduisble..) de Conrad Vernon et Greg Tiernan, sorti en 2016 et qui avait tenu à l’époque son rôle d’étendard du scandale pipi caca sexe et Youplala..


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